LE RETOUR D'UNE IDEE ANCIENNE.

Une approche amont de la filière.

Comme un murmure lancinant qui revient quand les chais sont pleins, les ventes en berne ou / et quand les cours du vrac ne décollent pas : il faut réguler, assainir le marché… il faut réduire les surfaces, arracher.

Les tenants de cette approche raisonne sur des faits et des données qu’ils ne pensent en aucune manière pouvoir être contestés. Le potentiel de production se révélant bien supérieur à la capacité commerciale, il convient de réduire cet écart.

Adapter l’offre et la demande consiste donc à se donner la possibilité de vinifier moins ; en baissant les volumes, en les collant aux sorties, on espère que les prix remonteront.

Les leviers ne sont connus et peu nombreux : distiller (mettre les stocks à la poubelle), baisser les rendements (autoriser un nombre d’hectolitres par hectare plus faible que la règle établie dans le cahier des charges ou mettre en réserve un certains % de la production) ou supprimer des vignes.

Ce dernier, le plus radical, ne permet pas de retour en arrière : l’arrachage est définitif, les surfaces perdues. Il a été utilisé avec des primes européennes très importantes.

Des points de vue divergents.

A cette époque (début et milieu des années 2000), l’arrachage avait fait l’unanimité ; planifier par les états membres, financé par l’Union, il devait permettre d’assainir le marché, d’achever la conversion de vins de table en produits qualitatifs d’appellation.

Aujourd’hui, il ne suscite que peu d’enthousiasme ; en dehors du bordelais, aucune interprofession ne demandent à y recourir. A Bordeaux même, le négoce semble contre un plan massif et systématique, préférant un repli vers une IGP (vin de pays), moins contraignante, plus accessible, moins chère ! Quant au CIVB qui le promeut, il ne fixe aucun objectif (on parlait en 2020 de 8 à 10 000ha sur un total de 108 000) et appelle dans le même temps à vendre plus et vite, objectif contradictoire avec une réduction des volumes (comment vendre plus si l’on produit moins ?).

Et l’Union Européenne interdit la subvention publique de tout arrachage définitif ; depuis 2013 elle permet l’accroissement du vignoble même si elle le régule très strictement (à hauteur d’1 % des superficies plantées par État membre et par an soit près de 8 000 ha pour la France ; le dispositif a été reconduit jusqu’en 2030).

Les leçons du passé.

Tous les acteurs doivent se souvenir des résultats de l’arrachage : en dehors du coût (l’UE avait mis 5 milliards d’€ sur la table, le CIVB s’était endetté et rembourse encore les intérêts de ce prêt), l’Europe s’est retrouvé déficitaire (dans l’incapacité de couvrir les besoins de son marché intérieur).

Le bordelais (toujours lui certes mais n’est-il pas le 1er vignoble de France, portée par l’origine la plus renommée dans le mode ?) offre un bilan plus révélateur et percutant :
-en 2000, sur près de 120 000 ha, la capacité de production s’élevait à 7,5 millions d’hl pour 5,5 millions de vente ; 10 000 ha furent arrachés et les rendements diminués pour équilibrer offre et demande ;
-20 ans plus tard, le potentiel donc a bien été ramené à 5,5 millions d’hl ; mais Bordeaux n’en écoule plus que 4 millions.

Durant la période, les vignerons se sont pour beaucoup appauvris, démunis face à un contexte qu’il ne maîtrise pas.
Le leader mondial se voit-il donc condamner à poursuivre cette décrue… et jusqu’où ?

Une autre approche ?

Les décisions collectives concernent l’amont : à coup de réformes, de contraintes, d’argent, il est tenté d’agir pour solutionner une crise qui semble ne vouloir finir…

Mais l’aval, que dit-il ? Le marché (les intermédiaires, les acheteurs, les consommateurs, surtout les consommateurs) que nous apprennent-ils ?

La politique française l’ignore, elle n’en tient pas compte : ainsi, alors qu’a explosé l’export, que la consommation mondiale progresse, que s’ouvrent de nouveaux pays, nous continuons à vouloir restreindre nos volumes. Chaque hectolitre, chaque hectare perdu laisse la place à nos concurrents. Nous agissons à contre cycle et les conséquences humaine, sociales, économiques, sociétales sont catastrophiques.

S'unir, produire, vendre.

Personne n’est à blâmer : nous perdrions trop de temps et d’énergie à chercher responsabilité et causes. Mais nous le savons, nous pouvons nous appuyer sur quelques fondamentaux :
-ensemble, nous sommes une force ;
-nos vins sont bons et reconnus, nos valeurs ancrés dans l’histoire ;
-nos prix restent accessibles au plus grand nombre.

Nous devons produire pour assurer la rentabilité des vignobles.

Il nous faut vendre cette capacité à produire. Chacun le sait à titre individuel, le volume est la première clé de la réussite, sa base, sa condition sine qua non. Si nous avons du mal à commercialiser, mettons nos moyens communs et donnons la priorité à la vente.

Inversons la logique qui nous guide depuis si longtemps sans autre effet qu’un marasme, un échec. Au moment où tant de producteurs, individuellement, se connectent au marché, sont portés, manquent de vin parfois (!), soyons volontariste pour massifier ces exemples de succès.

En janvier 2010, j’écrivais :

« les règles qui se dégagent :
– ne pas tout attendre des autres et surement pas du conseiller qui vous suit,
– investir chaque semaine du temps commercial avec régularité,
– ne pas douter, ni de la qualité de son vin ni de sa stratégie (PVC, prix minimum, volume à vendre, cibles à prospecter) qu’il faut imposer,
– comprendre que l’acheteur sans être un ennemi, va dégainer des objections sur le prix trop cher, le marché en crise et / ou les vins qui se vendent pas, la dégustation comme préalable à l’achat.
– apprendre donc à traiter ces objections sans se laisser déstabiliser,
– travailler sans intermédiaire surtout à l’export (même aux États-Unis !).

Le reste est affaire de temps, de volonté, de résistance au rouleau compresseur négatif du contexte, … donc de psychologie personnelle.

Il est plus simple de demeurer passif. La passivité reste aujourd’hui le risque majeur qui empêche nos filières de fonctionner.
Penser que la solution miracle passe par l’amont, donc par la production, la qualité produit, une recette miracle qui séduirait tous les acheteurs ou les consommateurs.
Penser le marché en terme de rapport offre / demande et attendre un ré équilibrage automatique, conjoncturel.
Croire que l’on n’est pas capable de vendre.

Devenir autonome, construire son projet et son avenir sur la valorisation produit offrent une alternative. »

                 

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