LES CHOIX DES PLUS GROS PRODUCTEURS.
Une attitude différente dans un même contexte.
L’arrachage commence dans le Bordelais (9 000ha), est souhaité à très vaste échelle en France (100 000ha au total) ou supposé massif dans le Nouveau Monde. Grâce à l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du vin), la confrontation aux chiffres peut éclairer la réalité des choix, des politiques mises en place par les pays producteurs face à ce qui apparaît souvent comme la solution de règlement des ‘crises’ de la filière.
C’est un fait, la surface globale de vignes plantées dans le monde baisse depuis le milieu des années 1990. En près de 30 campagnes, 621 000 ha ont disparu ; cette tendance masque des réalités contrastées.
Prenons les 9 vignobles les plus importants ; il convient d’abord d’écarter deux cas particuliers :
-la Chine non membre de l’OIV, présente des statistiques déclaratives et invérifiables. Après avoir affirmé planter 620 000 ha en 20 ans, voici qu’elle réduit son vignobles petit à petit (-25 000 ha depuis 2018). Comment donner crédit à ce chiffre quand on sait qu’en même temps, la Chine dit produire 9,269 millions d’hl (moins de 12 par ha !) ;
-la Turquie, à elle seule, pèse le 1/3 de la diminution depuis 1995 ! Mais sur ses 410 000 ha, elle ne produit que 622 000 hl de vin, la quasi totalité de son vignoble étant destiné aux raisins frais (de table) et secs.
Que se passe-t-il ailleurs ?
L'Europe divisée.
Les 3 pays européens ont d’abord conduit leur restructuration pour passer d’une production de vins de table à celle de vins de qualité (AOP et IGP), et s’adapter ainsi à l’évolution de la consommation (lire les deux marchés du vin).
L’Italie et la France ont achevé leur mue ; en 2015, leurs surfaces atteignent leur plus bas ; depuis leur situation s’est écartée :
Avec la volonté de maintenir sa capacité volumique et ainsi préserver sa part de marché export tout en s’appuyant sur la politique de l’Union Européenne, L’Italie n’a cessé de replanter : 14 500 ha.
La France hésite ; si le solde de la période est quasi stable, elle a d’abord planté 5 712 ha avant d’en arracher 6 619 ! Voilà qui traduit son absence de stratégie, une confusion que les revendications et les débats vifs actuels ne clarifient pas.
L’Espagne peine à achever la sienne, ce qui explique qu’elle continue a réduire son vignoble.
Le Nouveau Monde, les turbulences d'un modèle libéral.
Ils sont les symboles des ‘nouveaux’ arrivants : Chili, Australie et États Unis, ont beaucoup planté. Si leur solde reste positif depuis 1995 (+186 991 ha), le milieu des années 2010 a marqué une rupture : l’impact du changement climatique ou les soubresauts de leurs parts de marché à l’international ont secoué tout un système.
Dans une structure où dominent les grandes entreprises de ‘transformation – mise en marché’ (achat de raisins à des viticulteurs, vinification, marketing et commerce), la variable de tout ajustement pèse d’abord sur les producteurs de matière première. Soumis aux aléas des achats en volume et aux variations de prix, ils fluctuent beaucoup plus brutalement que les vigneron.nes (indépendants ou coopérateurs) européens.
Mais même dans ce contexte, chaque pays est un cas particulier : l’Australie continue à s’étendre, les États Unis et le Chili se sont effondrés avec une rapidité incroyable (-61 823 ha soit -13,64% pour les premiers et -34 578 ha soit -16,74% pour le second, en moins d’une décennie).
Vers un Nouveau Nouveau Monde ?
Ils sont attendus : de nombreux acteurs se positionnent pour profiter d’un marché dont ils voient le potentiel d’avenir et la situation sous-productrice (lire le monde manque de vin).
Leur projet n’est pas toujours clair mais on constate leur tendance à se maintenir voir à devenir significatif : l’Inde possède le 10ème vignoble mondial, la Russie le 17ème.
Ils s’ajoutent à la restructuration qualitative tardive de pays historiques (Ouzbékistan, Moldavie, Roumanie, Géorgie, …) dont l’avenir s’adosse aussi aux capacités de développement de la consommation dans le monde.
La prospective n’est donc pas plus aisée que le dessin d’une volonté unique des pays producteurs : chacun essaie de trouver sa place, entre politique stratégique volontariste, opportunisme économique voir laisser-faire.