LE DÉCLIN POUR QUI ?

Ce qui va (très) mal se passer.
La France exporte 12,6 millions d’hectolitres de vin (dernier chiffré 2023, validé par l’OIV*). Les États Unis pèsent 14% de ces volumes (quasi 20% en valeur, soit 2,4 milliards d’€).
Trump nous attaque… on ne peut qualifier autrement cette attitude unilatérale et injustifiée quant au vin dont le marché mondialisé ne pénalise en rien la production et la commercialisation étasuniennes. Entre 2019 et 2021, nous avions déjà subi une surtaxe (25% contre 20% aujourd’hui) avec une chute autour de 600 millions d’€.
Les grands vins et les Champagne avaient été les plus pénalisés ; beaucoup de vins (ceux qui n’entraient pas dans la taxe établie en fonction du degré d’alcool, ceux positionnés en entrée et cœur de gamme) s’en étaient mieux tirés, souvent en partageant la taxe avec leurs acheteurs.
Aux mêmes causes, les mêmes effets… dans un contexte national de filière très dégradé, la nouvelle sonne comme un énième glas de notre production viticole.
Ne pas crier trop vite.
Le contexte pourtant est très différent : à l’inverse de 2019, tous nos concurrents dans le monde sont taxés et le principal fournisseur, l’Italie, au même niveau que nous. La situation peut devenir vite intenable pour tous, ce qui peut provoquer des négociations plus rapides et efficaces ou pour le moins, engendrer une solidarité européenne.
Et surtout, nous n’avons cessé depuis de perdre des parts à l’export, sans lien donc avec une taxation. Notre modèle de mise en marché s’en est retrouvé totalement déséquilibrer ; parlerions de crise si cette part de marché ne s’était pas effondrée ?
Si en maintenant notre position, nous vendions 10,3 millions d’hl de plus ?
Les États Unis, donc, représentent moins de 1,8 millions d’hl ; les prévisions tablent sur une chute de 20 à 30% soient 356 à 540 000 hectolitres. Sans être souhaitable ou réjouissante, ce chiffre n’est pas aussi mortifère que partout claironné.
Il nous oblige plutôt à une action dynamique.
Ce qui pourrait bien se passer.
Comment agir en dépassant la demande habituelle d’aides ou de subventions ?
Vers les États Unis eux-mêmes d’abord ; pour les opérateurs (de production surtout) qui n’y sont pas encore présents (ou ceux qui exportent peu). Prospecter le marché US en affirmant sans toucher au prix de vente consommateur final, prendre la taxe de 20% en charge !
Prenons un exemple : pour arriver à 9,99$ (un vin très compétitif d’entrée de gamme), il me fallait vendre entre 3,4 et 4,4€ (départ chai, selon le nombre d’intermédiaires) ; avec la taxe, je descends entre 2,83 et 3,67€… dégradation peu glorieuse de ma marge. Mais est-ce mieux de :
-ne pas vendre et garder mes stocks ?
-écouler du vrac à 90€ l’hl (0,675€ le contenu d’une bouteille) ?
Si je ne suis peu ou pas distribué sur le marché étasunien, ne voilà pas une sacrée opportunité de le pénétrer ou de le développer ? Faire d’une taxe, un avantage concurrentiel = premier axe d’action positive.
Vers le reste du (vaste) monde, ensuite, soit 86% de nos exportations françaises, 88% du marché mondial ! L’occasion de se serrer les coudes pour aller piquer partout les parts de marchés des vins américains qui risquent de ne pas être bien vus des acheteurs et des consommateurs…
Les États Unis vendent plus de 2 millions d’hl de leurs vins à l’export. Un joli gâteau à croquer.En conclusion, cette crise dont les répercussions sont encore impossibles à mesurer tant elle va bien au-delà de notre simple marché, comme toutes les crises, peut nous donner à repenser une stratégie jusque-là inexistante, une choix dynamique de rebond par la reconquête de nos parts perdues… le tout avec le financement d’une OCM vin (280 millions d’€par an), enfin fléchée vers l’aval plus que vers l’amont.