INJONCTION CONTRADICTOIRE.
Une antienne vieille comme la vente de vin.
Pour vendre, il faut que l’acheteur (professionnel ou consommateur) goûte : cette affirmation continue à traverser le commerce du vin (« comment peut-il acheter s’il ne connaît pas le produit ?).
Les preuves semblent imparables ; la dégustation permet :
-d’établir la confiance,
-d’éviter le risque de la déception,
-d’expliquer le vin,
-de convaincre ;
en résumé, elle reste l’outil d’efficacité le plus sûr pour les vigneron.nes qui mettent en marché.
Examinons ces arguments…
Déconstruire le mythe argumentatif.
La confiance autour d’un vin (et de son producteur) s’établit-elle sur le seul contenant ? En d’autres termes, le vin se résume-t-il au jus contenu dans la bouteille ?
S’il est le fruit du travail colossal effectué en amont, il n’est ni ce que l’on achète, ni même ce que l’on boit : on achète une étiquette et un concept qui englobent image, histoire, identité, origine et projection vers le moment de consommation. En clair, le produit possède une fonction (plaisir, occasionnelle, de partage) qui motive ; sans la compréhension de cette fonction, sans la connaissance de la cible de clients, que vaut une approche suggestive ?
« Je n’ai que faire que mon vin ne convienne pas à ceux à qui il n’est pas destiné, à ceux qui ne le comprennent pas ».
La déception vient du décalage entre la promesse faite par le produit et sa consommation ; rien d’autre. Un vin supposé « petit » voire « mauvais » peut avoir sa cible, son moment : prenez en exemple ce lot de vin blanc acide et citronné que le vigneron ne voulait pas faire déguster à ses acheteurs le jugeant impropre et qu’ils ont fini par sélectionner sans en discuter le prix ; ces Hollandais voulaient un vin à boire avec des poissons crus et salés lors des fêtes de retour de pêche qui nécessitent ce « profil ».
Expliquer le vin ne peut se limiter à sa dégustation où seuls des caractéristiques techniques et organoleptiques (relire les consommateurs n’ont pas à parler la langue des experts). Le story telling (raconter) ouvre une alternative bien plus séduisante aussi bien pour les pros que pour les particuliers ; pour se distinguer, répondre aux questions comment, avec qui, avec quoi, quand boire le vin et aborder les mots scientifiques comme initiation au monde du vin.
La dégustation enfin convainc-elle ? Nulle démonstration à apporter, référez-vous à l’expérience : combien de fois, un acheteur a goûté et dans le même mouvement a passé commande ? Combien d’envois d’échantillons ont débouché sur un rappel ?
Un coût (trop) important et sans résultat.
La dégustation représente un budget lourd : prix des bouteilles ouvertes, temps passé, logistique, etc.
Elle ne permet pas de se différencier puisque tout le monde s’en sert. Elle dédouane de moderniser son discours et de le rendre crédible, compréhensible. Elle porte peu d’avantages au regard de la dépense générée.
Et si on s’en passait ? Si la confiance venait de la (re)connaissance du travail et de l’action des vigneron.nes ? De la capacité à négocier ? Si au final, elle était comme le vin, un plaisir à réserver à ses (bons) clients et non au premier prospect qui passe ?
On s’invite… au débat ?