LA TENTATION DE LA FACILITE.
La lassitude face aux contraintes.
Beaucoup de vignerons, fatigués de cahiers des charges contraignants peu cohérents, replient leur production de l’appellation vers l’IGP (indication géographique protégée). Attirés par des rendements libérés qui donnent aux cours du vrac un aspect bien plus rentable, satisfaits de trouver une niche marché qui n’est pas moins attractive pour leurs consommateurs, ils délaissent l’AOC (appellation d’origine protégée).
Dans certaines parties du Languedoc ou du sud-ouest par exemple, le phénomène est si marqué que d’ici une vingtaine d’années, l’appellation est menacée de disparition.
Les exemples de réussites incitent de plus en plus de vignerons à franchir le pas.
L'hésitation trompeuse du consommateur.
Si l’on en croit les études (relire ici Sowine 2022), le consommateur distingue peu AOC et IGP : signes d’origine et de qualité, il leur donne une crédit équivalent. Cette confusion se retrouve bien plus encore à l’international où seule la dénomination et la garantie du terroir importent. De l’eau au moulin donc pour ceux qui veulent s’affranchir de carcans qui ne leur apportent semble-t-il plus grand chose.
En poussant cette logique, il est facile de sortir de l’origine pour ne plus mentionner que ‘vin de France’ : des produits de typicité ou de cépages différents, des vins nature, rejetés par le contrôle de leur appellation, se trouvent même contraints de se déclarer en ‘vin de France’.
Mais, malgré son ouverture d’esprit, le consommateur ne donne pas la même valeur aux différents labels : ainsi, en grande distribution française (source IRI 2022), il achète une bouteille d’AOC à 6,07€ en moyenne, une d’IGP à 3,72€ et une de vin de France à 2,20€ !
Certes, un vigneron peut faire ce qu’il veut et vendre en direct son IGP à 20€, mais tant qu’il reste dans une niche marché : dès qu’un gros opérateur s’en empare alors le prix est tiré vers le bas, absorbé par l’image et le consentement à payer du consommateur.
A l’export, la même hiérarchie s’établit, alors que le consommateur non Européen ignore tout de notre système de labels : là, s’impose l’histoire qui l’a fixée.
La négation du territoire.
Il faut tant de temps et d’effort pour être reconnu en AOC ! Bien plus qu’une marque, elle traduit la réalité géographique, la typicité, l’unicité d’un territoire délimité de production, son identité. L’IGP définit une région plus large. Cette segmentation de l’offre ne peut être rejetée si facilement : si le système dysfonctionne, si les règles deviennent inutiles voir néfastes, alors il convient de les réformer. Les dénier ne fait qu’accentuer la confusion, la complexité d’un produit qui a besoin de clarté pour se pérenniser et convaincre les nouvelles générations de consommateurs.
Les vignerons au travers de leurs ODG (organisme de défense et de gestion) sont maîtres de fixer leurs contraintes : qu’ils se (ré)emparent de ce pouvoir.