LES MOTS, MAUX DU VIN ?
La vision linguistique, le "wine speak".
Pourquoi se mettre la pression du jargon quand on parle de vin ?
Parler du vin n’est pas qu’une affaire de marketing et de communication mais aussi de science ; les mots du vin dépendent d’abord de travaux théoriques.
Ils sont créés (on appelle cela la production de données langagières) et c’est l’expert qui en accumule le plus ; il s’en empare pour mettre en scène le raport au vin.
Les mots du vin peuvent donc s’appréhender comme une illusion : s’il est difficile de contester les résultats d’analyses chimiques, tout le monde peut questionner un mot. Leur signification n’étant pas certaine, comment peuvent-ils être reçus et utilisés par les consommateurs ?
On assiste à une fuite en avant communicationnelle : blogs, tweets, réseaux sociaux répondent à l’inflation de travaux scientifiques. Tout le monde se noie dans une multiplication infinie de la langue : pour dire la « minéralité » d’un vin, il existe par exemple près de deux millions de mots.
Du coup, on a recours au « clé en main », à la notation ou au profilage qui tendent à percer ce qui se passe dans la tête des gens qui goutent, boivent ou dégustent. Les relations acheteurs – vendeurs – consommateurs n’ont jamais été aussi diverses et complexes. Les incompréhensions qui en découlent, aussi.
La vision œnologique et sensorielle.
Un commentaire de dégustation se définit comme l’image d’un objet (une interprétation) qui ressemble au vin mais en correspondant à la sensibilité (le souvenir, la transcription d’une expérience vécue et non la réalité factuelle et vérifiable).
Il dépend du contexte, du matériel utilisé, de la connaissance (du vigneron, de l’origine, etc.), du niveau d’expertise. Il ne se limite pas au « j’aime / je n’aime pas », à la sensibilité, à la joie éprouvée, à l’hédonisme, (plaisir, sensualité) ou à l’identité.
La description est un métier (« je sais décrire, je l’ai appris ») ; l’expertise
utilise un vocabulaire, un jargon professionnel qui cherche à s’affranchir des facteurs externes. Comme dans tous les métiers, cette quête de précision sert aussi à la possibilité d’évoluer, de prendre des décisions techniques de production.
Mais, une fois cela posé, demeure la question de l’acceptabilité de ce vocabulaire, d’autant plus que chaque professionnel à tendance à utiliser un langage différent (un sommelier ne parle pas comme un chimiste).
Comme je ne connais pas le jargon médical, j’attends qu’on me l’explique sans avoir pour autant à le maîtriser ni à l’utiliser ; de même les consommateurs de vin peuvent convoiter le jargon du vin tant il possède de pouvoir d’attractivité. Mais ils se moquent de le maîtriser ; ils attendent eux-aussi de le comprendre.
Les mots du vin ne traduisent aucune caractéristique technique incontestable : les mots nous manquent ; un mot veut dire plein de choses différentes. On ne sait pas définir ou décrire le style d’un vin (même si on peut reconnaître un vigneron).
Le vocabulaire du vin est donc une affaire de professionnel (un outil de travail) à oublier quand on boit pour garder le droit de s’émerveiller, de reconnaître ses goûts, d’approfondir sa formation (si on le souhaite).
Parler consommateur.
Un.e vigneron.ne se doit donc de dépasser son approche technique pour mettre son vin en situation de consommation. Il peut simplement répondre aux questions que se posent le consommateur avant d’acheter (comment, avec qui, avec quoi, quand boire).
Pour transmettre une culture, une éducation au produit, il peut reprendre et expliquer des mots techniques et/ ou organoleptiques non comme des caractéristiques descriptives (comme sur une fiche technique) maisdonc comme une initiation au monde du vin.