Il va devenir banal de dire que notre monde troublé est imprévisible : les crises se succèdent sans fin et comme une injonction, nous semblons contraints de nous en accommoder.
A défaut, nous nous usons, fatigués de tant d’efforts qui produisent si peu d’effets.
Il devient donc plus essentiel que jamais de comprendre avant d’agir : accumuler les actions ne nous mène si ce n’est à rien, en tout cas bien trop loin des résultats espérés et nécessaires. Se démener en méconnaissant le contexte, revient à entreprendre à l’inverse de ce qu’il faudrait.
Dans nos activités, choisir comme établir une stratégie ne peut plus se limiter à reproduire les modèles passés ; le pragmatisme montre ses limites dans une société qui dysfonctionne : comment tolérer de s’adapter à un réel qui ne nous convient pas ?
S’informer, se poser pour analyser et comprendre ce qui nous entoure, se projeter ou anticiper ne sont pas des luxes réservés aux sachants ou à ceux qui ont le temps ; pour chacun d’entre nous, se mettre à distance et refuser de faire avant d’avoir compris et de fixer un cap, relève maintenant de l’exigence vitale.
Accéder aux faits non pas dans l’instantanéité de l’information en continue mais dans le recul de l’histoire, source nos activités, leur donne une valeur, une vraie chance de réussir et surtout de nous épanouir.
S’il est un métier où cette approche est évidence, c’est bien l’agriculture, la viticulture, soumises aux aléas du climat, au rythme des saisons, à la patience de laisser pousser une plante, aux délais longs des fruits du travail.
Ne rêvons pas ! Nous n’y parviendrons pas d’un claquement de doigts.
Mais nous pouvons commencer à renoncer à certains dogmes, à sortir de nos zones de confort.
Ainsi, abandonner le mythe du colibri qui porte la croyance de la portée de l’individu pour changer le groupe, de l’effet de levier qui voudrait que si un minimum de personnes changent, elles entraînent automatiquement avec elle toute la société.
Ce modèle promu de multiple manière est en échec, comme dans la légende qui lui a donné son nom où le petit oiseau faute de soutiens suffisants finit brûlé dans le feu qu’il voulait éteindre en « faisant sa part ».
Ainsi encore et à l’opposé, cesser de se convaincre qu’une masse critique serait obligatoire pour peser, rencontrer le succès, se développer : trop de géants agricoles montrent leur incapacité à rémunérer le producteur, à bien produire, à respecter l’environnement ou à résister aux lobbies.
Non, il se propose plutôt à nous de juste faire exemple pour démontrer par l’expérimentation, la possibilité d’un chemin.
Ne plus être contre mais être pour… pour que ce que nous mettons en proposition, en œuvre, pour ce qui est accessible, réaliste et pourtant si ambitieux.
Tracer une voie, éclairer et espérer.
Voilà un verbe bien peu à la mode.
Voilà un concept qui se dresse face à l’aigreur, aux oppositions qui nous divisent, à la médiocrité comme à la prédation.
Partout, je rencontre des vignerons qui font et qui s’en sortent, heureux de s’apercevoir qu’ils le peuvent. Jamais peut-être, autant d’exemples ont été à notre disposition, masqués par les difficultés collectives.
Jamais surement, autant de moyens, de connaissances, de techniques ont été à notre portée.
Sans angélisme et face à de gigantesques défis, peut-être pourrions-nous nous souvenir de nos fabuleuses capacités individuelles pour partir ensemble vers de meilleurs lendemains.