CROIRE EN LA DÉCONSOMMATION.
Une approche erronée.
120 litres de vin par an et par personne en 1975, 40 aujourd’hui ! Comme un mantra, cette donnée est répétée, mise en avant pour affirmer un repli, une déconsommation inéluctable, source de tous les maux de la filière en France.
Première erreur, les deux chiffres ne peuvent se comparer : jusqu’aux années 1980, nous buvions des vins de table, vins boisson intégrés à notre alimentation, à faible teneur en alcool (moins de 10°) et de piètre qualité : ces 4 étoiles, piquettes et autres litrons ont disparu pour céder la place à un produit d’origine très bon (en comparaison), occasionnel et culturel. Il faudrait donc parler de deux marchés, l’un qui s’est effondré (vin de table), l’autre qui a fortement progressé (vin de qualité).
Deuxième erreur, le marché ne s’arrête pas à nos frontières : globalisé, il s’étend dans le monde entier ; son internationalisation a quasiment doublé sur les 20 dernières années. En 2021, près d’une bouteille sur 2 est consommée dans un pays où elle n’a pas été produite.
Or, la consommation mondiale reste en augmentation. Sur les deux décennies écoulées, elle a cru de 10% soit 11 millions d’hectolitres. Très sensibles aux crises, elle rebondit très vite (courbe en V, résilience) ; et si elle ne retrouve pas son niveau de 2007 (avant la crise économique et financière), c’est d’abord parce que le monde sous-produit (voir le schéma ci-contre) : il manque 113 millions d’hl pour équilibrer offre et demande depuis 2007 !
Produire.
Répondre aux besoins du marché, ce n’est pas donc pas l’ignorer. Pour suivre la consommation et la montée de l’export liée à l’internationalisation, il faut du volume : une part de marché se conquiert d’abord par les hectolitres disponibles.
Comme je l’ai souvent souligné, opposer volume et valeur est un contre sens. Le vin se « premiumise » (il monte en gamme et donc en prix) partout ; vendre peut donc combiner une masse et une marge.
Pour le producteur, le commercialisateur, le constat de sa perte de valeur démontre qu’il est mal,qu’il n’est pas ou plus connecté au marché. Il laisse échapper la valeur que lui offre le marché, il ne la partage pas équitablement avec les autres acteurs des filières.
Cet enjeu est plus complexe mais aussi plus passionnant et efficace qu’un simple rapport offre / demande.