L'AVENIR DE LA VITICULTURE.
Préserver la vie des sols.
Qu’on le veuille ou non, le bouleversement du climat oblige à commencer par permettre à la vigne de continuer à exister sous des latitudes autrefois propices, aujourd’hui intenables. Loin des illusions du tout mécanique, de la fuite en avant de l’irrigation ou du chimique, les solutions agroécologiques (le bio, la biodynamie, l’agroforesterie, etc.) offrent une possibilité de résilience.
De plus, la labellisation environnementale devient une exigence pour les consommateurs dans le monde, sanitaire et morale.
Accompagner en la finançant « quoi qu’il en coûte » cette transition accélérée peut être une base de relance de la viticulture française. Il ne s’agit plus de produire mais de bien produire. De redonner fierté à chaque vigneron.ne d’un travail qui a du sens et peut être reconnu par le consommateur.
Et pour couper l’herbe sous le pied du dénigrement des ‘normes’ environnementales, la transformation bio n’empêche pas le rendement, au contraire : lire l’article de Vitisphère à ce sujet.
Vivre de son travail.
Il faut cesser les hypocrisies : aucun.e paysan.ne ne veut dépendre de subventions, d’aides permanentes.
Le monde agricole s’est défait de sa responsabilité entrepreneuriale de rentabilité économique : indépendants comme coopérateurs ont cru au mirage des discours de l’intermédiation et de la distribution, à un partage équitable de la valeur.
Loin des promesses, la prémiumisation du vin ne s’est pas déroulée au bénéfice de l’amont. Mais le vent tourne, la justice vient de reconnaître le droit au producteur – vendeur de se prémunir de « prix abusivement bas » et l’obligation faite aux acheteurs de respecter la négociation donc de ne pas imposer le prix. La loi Egalim qui vise à garantir un revenu minimum aux agriculteurs, contraint aussi à ces dispositions fondamentales dans la vente et pourtant ignorées depuis longtemps (lire le tribunal de commerce de Bordeaux donne raison au viticulteur contre des négociants).
Mais vivre de son travail signifie aussi pour les vigneron.nes de réinvestir le commerce, de se former, de mettre en œuvre des moyens et des budgets pour accompagner leurs gammes jusqu’aux consommateurs finaux. Les acheteurs internationaux conscients des faiblesses de la France (lire l’avis du président de la LCBO) appellent à un sursaut pour qu’ils (et elles) occupent les marchés.
Cet engagement aussi peut être soutenu en redistribuant les enveloppes de l’OCM vin et des CVO vers l’aval.
Réenchanter le salariat, vivre dans les vignes.
La viticulture, surtout si elle se convertit massivement à la préservation de la biodiversité, a besoin de beaucoup plus de main d’œuvre : on ne peut se résigner à voir partir le quart des vigneron.nes en vingt ans, à voir fondre le salariat, à ne plus pouvoir embaucher.
Le vivier existe, il reste hors de portée : les jeunes ne connaissent pas l’enseignement agricole et ses débouchés (car il n’est pas géré par le ministère de l’éducation et que nombre d’enseignants de troisième ne savent pas pouvoir y orienter leurs élèves). Ils n’ont pas idée des métiers, des revenus possibles ; et que l’on ne parle pas de pénibilité : travailler dans une parcelle est-il plus difficile que de se casser le dos dans un entrepôt d’Amazon ?
Quant à la transmission, elle passe aussi par une politique volontariste d’installation (là encore vers les plus jeunes) mais aussi d’appel aux investisseurs : pourquoi ne se dirigent-ils que vers les grands crus ? Savent-ils le faible prix du foncier, la possibilité de voir leurs investissements matériels cofinancés par FranceAgrimer, le long-termisme qui limite les risques ?
Partout les multinationales cherchent de la terre, pour assurer l’approvisionnement des marchés : pourquoi ne pas les attirer vers la France dont les régions (et donc les AOC) ont les meilleures notoriétés au monde.
Refuser les logiques mortifères : conquérir plutôt que subir et périr !
Être réaliste n’induit pas de céder à la fatalité, de plier face à des informations imprécises ou erronées. Si les vigneron.nes ne croient plus à leurs produits, comment convaincre les consommateurs que le vin a un avenir ?
La consommation mondiale a besoin de volume pour poursuivre sa dynamique, la France a muté pour ne plus que boire des vins occasionnels de qualité :
Entre 2020 et 2022, la France a quand même absorbé 2,1 millions d’hectolitres (280 millions de bouteilles) en plus !
Nos filières ont délaissé l’export et perdu l’appui de la grande distribution ; elles ne voient pas l’essor formidable des réseaux dits traditionnels (cavistes, GSS, vente directe) ou du digital : les chantiers comme les possibilités de reprise sont donc immenses.
Alors que désespèrent des milliers de familles qui plongent dans la misère, ne les laissons pas se morfondre et conforter leur pulsion légitime de colère voir de mort. Mobilisons l’espoir et la croyance dans nos capacités collectives à rebondir, à recoller à un marché qui n’a peut-être jamais possédé autant de potentiel !