UN SYSTÈME QUI CRAQUE.

Univitis et Alliance Bourg en Gironde, Brulhois et Saint Sardos dans le Tarn-et-Garonne, Mont Tauch dans l’Aude, Haut Poitou dans la Vienne, Cairanne dans le Vaucluse, Buzet dans le Lot-et-Garonne, … la liste des caves coopératives en grande difficulté (sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation) inquiète par sa soudaineté et son ampleur : plus de 70 d’entre elles (1 sur 8) seraient, selon leur Fédération nationale, menacées à court-terme.
Si les régions de Loire, d’Alsace ou de Champagne paraissent pour l’heure épargnées, la crise pourrait exploser avec bien plus de force encore : en Aquitaine où une étude plus précise a été menée, le tiers des coopératives ne peut plus faire face à ses dépenses.

Leur poids économique (5 milliards de CA, 18 000 emplois directs, 37 % de la production des AOC, 68 % des IGP et 34 % des VSIG) qui structure des territoires entiers, rend la situation inquiétante pour toute la filière. D’autant que leurs soutiens (politiques, banques, grands groupes coopératifs ou agro-industriels) semblaient rendre impossible un tel effondrement.

Au-delà, de nombreuses méga structures crées par fusions ou rachats successifs ces dernières décennies, donnent aussi des signes de faiblesses : sur-stocks, arrêt des paiements des apports, gel des investissements, … ces coopératives de plus 200 000 hectolitres passent pour des géants aux pieds d’agile.

Des chiffres comme autant de fragilités.

Pour comprendre ce contexte, les données économiques éclairent une dégradation qui a débuté il y a une dizaine d’années :

-une valorisation en berne : grandes ou petites, les coopératives génèrent des marges insuffisantes pour rémunérer leurs membres ; leur chiffre d’affaire démontre un prix moyen de vente très en dessous du besoin de revenu par hectare.
Ainsi, pour cette union de 3 800ha, les 210 000hl produits s’écoulent à 116,2€ l’hl ; en déduisant les frais de structure, le solde pour chaque vigneron.ne se situe à 3 560€ par ha. En comparaison, le référentiel de la Chambre d’Agriculture départementale fixe le coût complet vigne à 5 022€ par ha. En ne couvrant que 70% de ce minimum vital, la cave appauvrit année après année, ses adhérents.

-une commercialisation bancale : si les investissements amont sont restés massifs depuis 2000, la mise en marché accuse la faiblesse aval des coopératives.
En suivant l’exemple précédent, l’union vend moins de 15% en bouteilles (85% en vrac) ; en gardant un modèle hybride, non seulement elle limite son accès à la valeur mais surtout, elle reste la concurrente directe de ses premiers clients (le négoce).
Affaiblie par des cours très bas, elle peine, malgré une bonne image qualitative et un fort % de blancs, à s’extraire du cercle vicieux du déclassement financier.

-une présence à l’export trop confidentielle : à l’opposé de leurs consœurs italiennes, elles pèsent peu à l’international (10% dans le cas étudié ici, moins de 21% pour l’ensemble de la coopération contre plus de 36% pour l’ensemble de la filière) et ne portent aucune des marques de vins tranquilles présentes à l’étranger (Mouton Cadet appartient à Baron Philippe de Rothshild, JP Chenet à Grands Chais de France, Roche Mazet à Castel, etc.).
Même en France, seule l’Union des Vignerons des Côtes du Rhône place Cellier des Dauphins dans le top des ventes.

Ainsi aucun des leviers de pérennité économique ne soutient ce qui représente 40% de la viticulture.
En 2018, France Agrimer publiait une étude prospective qui dessinait les faiblesses et traçait des scenarii d’évolution dont tous étaient loin d’être positifs. Mais la coopération souffre d’un mal commun à toute la profession, l’absence maintenue de stratégie nationale qui empêche d’anticiper les soubresauts et de mettre en place des solutions globales.

Sources :
-La Coopérative Agricole, lire observatoire économique et financier des caves viticoles édition 2023 ;
-Vitisphère (dont les articles Invivo ; Café de Paris ; caves coopératives ; observatoire des coop.)
-Les Échos judiciaires ;
Terres de Bourgogne  ;
societe.com (pour les Chiffres d’Affaire des groupes).

                 

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