DE L'ART DE PRESENTER LES CHIFFRES.
Une petite musique qui s'installe.
Cela a commencé par une question pleine de sous-entendus : que se passera-t-il quand tout le monde viticole sera converti au bio ? Puis en réponse, s’est instillé une réponse angoissée : quand on produit trop, on sait ce qu’il advient des prix.
Depuis, fleurissent des articles de presse aux titres clairs, « ralentissement commercial des vins bio », « fin de la croissance du bio en grande distribution », etc., assortis d’un même constat : après des années de hausse insolente, le marché du bio est à la peine, rejoignant de ce fait le marasme preignant dans le « conventionnel ».
Quelques chiffrent illustrent la situation, -4,1% pour les ventes en grande distribution (panel sur 12 mois glissant à mars 2022), 80% des échantillons de vins bio sans preneur en Languedoc en mai 2021.
Malgré une récolte faible, tout part à vau-l’eau et loin de ce qui était annoncé ou prévu, le bio ne représente donc pas la solution pour redévelopper le commerce du vin.
Une lecture partielle ou une volonté de nuire ?
Pour le moins, ces données n’éclairent qu’une partie de la réalité : elles se centrent sur deux segments, la grande distribution et le vrac, sans tenir compte de leur contexte :
-la GD française reste en crise. En 10 ans (2010-20, panel IRI Infoscan), elle a perdu 22,2% (soit 110,6 millions de litres ou 147,5 millions d’équivalents bouteilles de vin en moins alors que la consommation globale demeurait stable) ; dans ce contexte, le bio (petit niche de moins de 7% du total des ventes), progressait de 5% par an en moyenne.
Après la parenthèse du Covid qui a vu la GD repartir très fortement à la hausse, elle s’essoufle à nouveau et retrouve les chiffres en forte baisse de la décennie précédente : le seul changement réel est de voir les vins bio aspirés dans cette spirale négative ; mais ils résistent mieux. Quand le rayon vin chute 5,5 à 7% (selon les relevés mensuels), les bio perdent donc 4%.
-le vrac. Depuis plusieurs années, le vrac se vend de plus en plus mal ; surtout, les cours ne suivent plus la règle de l’offre et de la demande (en démontrant au passage l’obsolescence). Même quand les campagnes s’avèrent peu volumiques, les prix ne montent pas. Seul la dynamique commerciale joue ; une appellation, une région qui se vend, trouve des débouchés à de bons prix ; une tautologie que l’on semble découvrir.
Un regard à changer.
Et quid des autres circuits de distribution, les cavistes, les GSS (grandes surfaces spécialisées), la restauration qui ont donc pris des parts de marché à la GD et référencent à tour de bras les vins bio ?
Qui de l’export où le bio est devenu un des critères prioritaires d’achat ?
Quid surtout des consommateurs qui plébiscitent le label bio bien avant tous les autres (étude Wine Intelligence Vinitrac, So wine 2022) ?
Le bio inquiète en France (relire le bio fait-il peur ? 2019). Pour des raisons obscures, sa diffusion (encore très très minoritaire ; même avec un taux de conversion rapide, on ne dépasse pas les 15% de la surface) et son dépassement (par la biodynamie, les vins nature ou l’agro-foresterie) ne plaisent pas, ne convainquent pas. Et ce, malgré bien des publications scientifiques qui en soulignent les mérites.
Un vieux proverbe affirme « qui veut tuer son chien l’accuse de la rage » ; mais alors, pourquoi donc voudrait-on tuer le bio ?