L'INÉLUCTABLE ET LE SOUHAITABLE.

"Shift" agricole.

Changer par la transition ; depuis 2010 le « laboratoire d’idées » Shift Project (dont la figure médiatique et tutélaire est incarnée par l’ingénieur Jean-Marc Jancovici) s’emploie à sensibiliser le grand public et à influencer la décision politique vers une ré écriture de ce que doit être l’économie dans un monde en proie au changement climatique.

Cette approche pragmatique s’ancre dans le postulat de l’adaptation, donc de la prise en compte des évolutions en cours et à venir pour construire de nouveaux modèles.

Ainsi pour l’agriculture comme pour d’autres segments de l’économie, The Shift Project propose des scénarios de transformation par la décarbonation, la résilience et la prospérité.

Très loin des débats actuels portés par les Syndicats agricoles, cette réflexion a le mérite de poser un cadre volontariste, une stratégie collective à partager entre tous les acteurs. Marquée par un fort engagement technique, elle s’écarte aussi des revendications écologiques.

Elle se donne comme objectif de « sortir des énergies fossiles sans casse sociale », de « promouvoir une transition en s’associant avec les acteurs qui l’empêchent », de « préparer un nouveau modèle de vivre ensemble ». Elle s’attaque à la problématique énergétique comme fondement d’une évolution de l’alimentation, vu que celle-ci repose aujourd’hui sur le (quasi) seul constat que « plus on consomme d’énergie fossile, plus on est capable de produire ».

Or la disponibilité en énergie fossile va être divisée par 2 d’ici 50 ans et il nous faut trouver d’autres ressources pour « bien » produire.

Vous pouvez lire la synthèse de l’étude pour mieux en appréhender les enjeux et les quatre rapports issus aussi d’une concertation large avec 7 700 agriculteurs.

"Shifter" agroclimatologue.

Regroupés en association loi 1901, les Shifters diffusent en région les publications du « think tank », sont lobbyistes auprès des collectivités et des élus, organisent des conférences.

Ainsi, jeudi 05 décembre 2024, Serge Zaka a exposé ce qu’est l’agroclimatologie (impact du changement climatique sur l’agriculture) et en quoi elle peut aider à anticiper des solutions pour maintenir une « bonne » production en France.

Tout part de l’analyse factuelle chiffrée de la situation sur le temps long, démontrant qu’isoler une période courte (quelques mois ou quelques années, le « cherry picking ») manipule la statistique et nourrit bien souvent les discours sceptiques voir conspirationnistes.

Globalement, la réalité implacable de la France est un bouleversement total avec des écarts de températures accentués, considérables (gels, sécheresses), une pluviométrie incontrôlée (excès d’eau en hiver et manque en été) qui impactent la conduite des parcelles (semis impossibles) et le rendement.

« Hotspot » de cette catastrophe, la Méditerranée cumule chaleur, vents, ruissellement, imperméabilisation par la sécheresse et une bétonisation anarchique (villes enserrant les rivières et les rendant forces violentes d’inondations incontrôlées).

Partout, une baisse de fertilité des sols, l’inversion des saisons (de légumes), la remontée de la vigne dans le nord (avec plus de maladies et une évolution des cépages dans le sud)… rien qui ne puisse se contester.

Rien aussi qui ne puisse empêcher de trouver des solutions.

Perspectives.

Car, et peut-être est-ce là le plus important, les possibilités d’affronter le changement climatique existent :

-prioriser la santé du sol et des arbres (leur « bon état » participe à minima pour moitié du « remède »). Haies, paillage, réserve d’eau d’écoulement, fossés, plantation à l’inverse de la pente – effet escalier, hydrologie régénérative, conservation du sol – couvert végétal, méteil, ombrage, non labour, etc., montrent l’incroyable arsenal à disposition pour ce faire.

-orienter l’agriculture vers l’humain et l’animal (elle sert d’abord à les nourrir) sans laisser la seule technologie (méthaniser, agrandir, équiper) la supplanter. Pour la main d’œuvre, la chute du nombre d’agriculteurs et les freins au recrutement sont à combattre à long terme.

-diversifier ; ce que le remembrement et l’artificialisation ont détruit ou limité (pour de bonnes raisons à l’époque) doit être repensé pour « utiliser » la nature et ne plus « l’exploiter ».

Enfin, la méthode fait aussi partie des solutions : communiquer les chiffres / les données, s’écouter pour choisir, facilitent la sortie de la polarisation mortifère pour aller vers le compromis.

 

Ce que dit le Shift Project tient donc à une anticipation à long-terme des changements déjà à l’œuvre et au déploiement rapide des moyens pour s’y adapter.

Ce qu’il ne semble cependant ne pas dire, ce qu’il refuse peut-être d’évoquer ouvertement pour ne pas froisser ses interlocuteurs les plus radicaux, reste la limite de son pragmatisme : faut-il s’ajuster à une situation dysfonctionnelle plutôt que de la modifier en profondeur ? Faut-il soigner le mal ou en chasser les racines ?

Le Shift refuse de trancher ce choix ; est-ce sa force (réformatrice) ou sa limite (quant aux résultats) ?

©illustrations : Jordane Ancelin, https://simplexx.fr/

         

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